Le canal carpien: sacrifié à l’autel du progrès, alors et maintenant

Auteur: Myriam Legault

Résumer tout le labeur de la semaine avec « réduction de malachite et de chalcopyrite » est exact, mais aussi très réducteur, puisqu’un bon nombre de manipulations préalables sont nécessaires. Concasser le minerai, séparer la matte (produit intermédiaire enrichi en cuivre) des scories, concasser et moudre la matte, concasser les scories qui seront réutilisées. Et ces opérations ne comptent que pour le minerai lui-même. Il faut aussi couper du bois pour le combustible, coudre et entretenir les soufflets pour ensuite attiser le four, préparer de l’argile pour réparer le four après chaque épisode de fusion, mouler et cuire des creusets ainsi que des tuyères en argile, etc.

C’est long, très long. Et les mêmes opérations doivent être répétées jour après jour. Après avoir moulu des scories en grains plus fins que du sable pendant des heures, on ne s’étonne plus qu’il y ait eu de l’esclavage dans le temps, ou au minimum une division des classes sociales pour s’assurer que la plèbe s’occupe du gros travail pénible. Ces tâches fastidieuses et épuisantes, nous permettent de vivre aux premières loges comment la qualité de vie et la santé de la plupart des humains a diminué lorsque, de chasseurs-cueilleurs, ils sont devenus agriculteurs, pasteurs ou métallurgistes. Rien de mieux que les mouvements répétitifs pour moudre le grain en farine, ou sinon le minerai dans notre cas, pour se retrouver avec des problèmes d’usure aux articulations. Les problèmes de tunnel carpien sont donc bien liés au mode de vie sédentaire, mais ils sont apparus largement avant l’invention de l’ordinateur! Sans compter toutes les activités que l’on fait au sol, penché assez bas, avec juste assez de sollicitation au dos pour vous laisser des courbatures en soirée. Même qu’en soirée, on se s’entraînait au lance-sagaie comme les chasseurs-cueilleurs. Pour se reposer, quoi. Un passe-temps d’archéologue.

Mais comme pour le tir au lance-sagaie, certaines parties du travail de métallurgie réveillent l’enfant intérieur qui sommeille en chaque archéologue : former des balles de fumier pour contenir et compacter le minerai de chalcopyrite à rôtir, souffler à travers un long tuyau pour attiser les flammes du four à fusion, ou encore réparer le four lézardé lors de l’expérience précédente en le plâtrant avec de l’argile neuve (et parfois assez d’enthousiasme pour une bataille de gadouille).

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S.  Simon and M. Hoffman concassent le matte et la scorie.