L’archéologie expérimentale: essayer de reproduire une recette perdue avec seulement le gâteau (à moitié décomposé) comme guide

Auteur: Myriam Legault

Réduire de l’oxyde de cuivre (notre malachite) en cuivre s’avère en général assez aisé, surtout en comparaison avec le travail de Sisyphe qu’est la réduction du sulfure de cuivre (notre chalcopyrite). Sauf que le but de l’archéologie expérimentale n’est pas seulement de réduire le minerai en métal, mais bien de le réduire comme le faisaient les artisans de l’époque, et d’ainsi obtenir du cuivre et des scories semblables à ceux trouvés lors de fouilles archéologiques. Peu importe si la recette est efficace ou non, nous semble loufoque ou pas (un four carré plutôt que circulaire, vraiment ?), le but est de reproduire cette recette autant que possible. Et bien sûr d’ensuite documenter les résultats aussi minutieusement qu’humainement possible.

D’ailleurs, « documenter aussi minutieusement qu’humainement possible » n’est certainement pas une exagération. Par exemple, si la malachite est concassée très finement, on peut obtenir des billes de cuivre pas plus grandes que 100 micromètres (0,1 mm) de diamètre, donc à peine visibles à l’œil nu. Les premiers métallurgistes jetaient probablement ces minuscules billes de cuivre plutôt que de s’embarrasser à les séparer des déchets inutilisables, mais pour les besoins de l’expérience, nous essayons de toutes les récupérer pour les peser et ainsi calculer exactement le rendement en cuivre (même si l’erreur interne de la balance doit être plus élevée!).

Pour approximer le procédé original, les matières premières utilisées en archéologie expérimentale doivent être aussi authentiques que possible, et sur ce front nous sommes particulièrement chanceux puisque le minerai de chalcopyrite provient des mêmes mines alpines qui étaient exploitées à l’âge du bronze. Le minerai de malachite vient plutôt du Congo, tandis que notre combustible consiste en bois de sapin et (bizarrement) de séquoia. Écologistes, ne vous inquiétez pas, nous n’avons pas abattu l’arbre nous-mêmes : les bûches nous viennent d’un séquoia déjà déracine d’un musée du coin (sinon, imaginez le temps que ça aurait pris pour abattre un de ces arbres géants?).DSC04131.JPG